Du déterministe à la complexité du “script” – 2

Le déterminisme réduit le script à l’outil, qui devient agentif

Le discours déterministe avance que les outils transforment la société selon les attentes de leurs concepteurs.

Dans le déterminisme, l’outil renferme en lui-même un ensemble de pratiques, règles ou conventions discursives propres, ayant tendance à fragiliser, perturber ou transformer les valeurs de la société (Doueihi, 2013). En conséquence, l’outil relègue les utilisateurs à un rôle passif de simples récepteurs – sujets qui reçoivent l’information et la consomment. 

Le déterminisme établit ainsi une relation causale entre l’outil numérique et ses répercussions dans la réalité des utilisateurs – répercussions forcément agentives – et attribue à l’outil la capacité d’influer directement et de manière observable sur la structure culturelle du sujet. 

Pour illustrer les limites de cette approche, un exemple des ces usages “imprévus”, au sein de l’équipe technique de Microsoft. Comme utilisatrice de l’outil interne Bedrock, notre équipe appréciait grandement la  dissimulation des bouts de code qui nous permettaient de modifier des éléments graphiques (comme la couleur du logo MSN) en toute illégalité et au nom d’une plus grande marge créative. Cela souligne l’inefficacité des tentatives de « maîtrise totale » des usages, une aspiration qui relève davantage d’un fantasme de toute-puissance des concepteurs. Tout aussi vaine est la confiance sans faille dans les agencivités “officielles” de l’outil. 

Le déterminisme technologique tend ainsi à négliger les multiples interactions possibles entre l’outil et la structure socio-culturelle de l’utilisateur (la culture comme “fabrique de subjectivités”) – et, de ce fait, à ne pas perdre en compte toute la variété d’utilisations potentielles lorsque l’outil passe « entre les mains » des utilisateurs (être actifs et non-passifs) – l’outil étant passible d’acquérir des utilisations autres de celle attendue par le concepteur. 

 

L’outil est le produit des compositions de besoins et intentions

De ce fait, l’approche déterministe – et sa linéarité autoritaire – passerait à côté de la complexité du script.

Le script comporte les choix, compromis, sélections, régulations et négociations – qu’elles soient techniques ou discursives (économiques, idéologiques, politiques) –  et ce, entre toutes les parties concernées.

Par exemple, la décision des équipes SNCF de concevoir des outils numériques pour faciliter la mobilité des personnes handicapées illustre une volonté d’aborder l’accessibilité par le numérique pour pallier aux nombreuses contraintes liées au coût et à la lenteur de la construction de structures matérielles. Ainsi, il s’agit, entres autres, d’un choix économique ? Ces intentions sont ensuite soumises à des nouvelles négociations, interprétations et interactions subjectives et objectives (codes, besoins, objectifs, ressources déployées) par d’autres acteurs. 

Le script agit comme un vaste dialogue, mettant en interaction, d’un bout à l’autre, les différents acteurs – concepteurs, utilisateurs, commanditaires, et l’outil lui-même.

Partie 3 : Des usages émergent et deviennent sociaux


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